Cet article a d’abord été publié sur le blog d’ekino ; je l’ai en effet écrit dans le cadre de mon travail en tant qu’employée.
De retour de Paris Web 2015 — Ce billet pourrait avoir l’air d’un billet commercial (1) et pourtant, c’est bien spontanément que j’ai eu envie de l’écrire. La LSF (Langue des Signes Française) a beaucoup fait partie de mes journées ces derniers temps, pour différentes raisons, et l’avoir autant présente m’a donné envie d’en parler et de faire quelques constats.
Il est vrai que nous avons rarement l’occasion de nous y intéresser dans notre quotidien. Il y a bien la dame en médaillon de la diffusion des débats à l’Assemblée Nationale, mais, admettons-le, ce n’est pas le programme le plus regardé.
En dehors de l’anecdote d’un hurluberlu faisant des signes aléatoires lors des funérailles de Nelson Mandela (2), on nous parle peu de langue signée.
Paris Web est, sauf erreur de ma part, la seule conférence technique en France à assurer l’accessibilité de l’événement : locaux, vélotypie et interprétariat LSF. Cette accessibilité va au-delà de la déficience physique puisque les conférences sont retransmises en direct gratuitement, les conférences anglaises traduites en simultané. Après tout, le but de l’association est de “promouvoir […] un web de qualité” (3) pas de le garder pour quelques privilégiés (600 tout de même !)
J’ai pu constater, à Paris Web mais pas seulement, la curiosité que suscite la LSF. Je pense que nous sommes beaucoup à être fascinés par cette langue non orale où une personne arrive à faire comprendre des phrases toutes aussi complexes que dans une autre langue en bougeant les bras.
Mais je ne m’étais pas rendue compte à quel point les gens autour de moi pouvaient s’y intéresser.
Le succès de la conférence dédiée à la LSF qui a eu lieu à Paris Web ne s’explique pas que par les très bons traits d’humour. Les tweets qui ont été retrouvés pour l’occasion témoignaient d’un grand intérêt pour ces gestes qu’on ne comprend pas.
En dehors du cercle de Paris Web, une experte accessibilité me disait récemment qu’elle était fascinée par la LSF dès son jeune âge et que finalement, elle s’intéressait encore plus à la LSF qu’à l’accessibilité numérique.
On en a parlé sur notre fil Twitter, le sponsoring de la LSF par notre entreprise a suscité l’envie de communiquer en interne en indiquant comment signer quelques mots.
Un de mes amis a des problèmes auditifs qui de gênants sont devenus handicapants récemment. Il n’exclut pas de devenir sourd un jour. Je n’exclus pas d’apprendre la LSF pour faciliter mes conversations futures avec lui (je crois qu’il s’entraîne déjà à lire sur les lèvres et, étant entendant, il continuera à oraliser ; la LSF ne serait qu’une aide dans ce cas particulier, je crois).
Je me suis d’ailleurs posé la question d’apprendre la LSF avant ça. Des amis à moi l’ont fait mais, comme tout autre langue, il faut avoir l’occasion de pratiquer, sinon c’est perdu.
Une autre de mes amies avait eu cette occasion : l’un de ses nouveaux collègues était sourd. Elle a appris la langue pour pouvoir travailler avec plus de fluidité au quotidien avec lui.
Il y a aussi des cas où la langue signée est utilisée sans contexte de surdité. En effet, certaines personnes apprennent des signes à leur nouveaux-nés car ils seront capables de les utiliser pour communiquer avant d’être capables de formuler les phrases ou même les mots.
On m’a raconté plusieurs cas, certains qui ont marché et d’autre moins. Un père qui avait fait ce choix me disait un jour avec enthousiasme que son fils était non seulement capable, avant de savoir parler, de lui dire qu’il avait mal mais en plus de lui dire où (ou de lui dire qu’il avait faim mais que c’était un gâteau qu’il voulait ; encore plus important !)
J’ai pu également voir un bout de chou tout intimidé à l’idée de devoir dire bonjour (vous aussi vous avez vu ça des centaines de fois, non ?) s’en sortir en faisant le signe de bonjour.
Enfin, peut-être parce qu’elle fait maintenant partie de mon entourage, il m’arrive maintenant souvent de me dire que parler la LSF m’aurait été utile : pour échanger discrètement (que ce soit pour garder confidentielle une info à partager rapidement, pour ne pas déranger autour de soi ou pour ne pas crier à travers une pièce).
J’ai le sentiment d’avoir récemment basculé de la fascination pour quelque chose qui m’était totalement étranger mais un peu anecdotique aussi à quelque chose d’intégré dans mon quotidien, dans mon entourage et en passe de venir rejoindre ma “normalité”. Bref, ce que ça devrait être.
Maintenant, si vous voulez savoir qui a vraiment inventée la LSF, pourquoi elle ne peut pas être internationale ou comment on dit “HTML”, je vous invite à surveiller les actualités de Paris Web qui ne manquera pas de mettre en ligne l’excellente conférence de Sandrine Schwartz sur la LSF.
(1) En effet, ekino a sponsorisé la LSF à Paris Web cette année.
(2) Cérémonie de Mandela : le traducteur imposteur